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LES RACINES DU RÉGIME DES CASTES

femme étrangère. Généralement c’est dans un clan de la même tribu ou de la même confédération que les hommes vont prendre femme. Les clans qui s’allient ainsi se considèrent comme parents… Si le mariage est exogame par rapport aux groupes totémiques (clans primaires ou secondaires) il est généralement endogame par rapport à la société politique (tribu) ».

Et sans doute, dans beaucoup de cas on nous signale les groupes entre lesquels l’alliance matrimoniale est interdite sans nous signaler ceux entre lesquels elle est permise. Mais il est probable que la plupart du temps des renseignements plus étendus feraient apparaître, au-delà des cercles exogamiques, un cercle endogamique plus large. Les formes mêmes du mariage qui paraissent le plus contraires aux pratiques endogamiques peuvent en réalité s’en accommoder. Le mariage « par capture » semble entraîner, pour les hommes, le droit d’épouser n’importe quelle femme étrangère, ravie à une tribu ennemie. Mais si c’est toujours chez les mêmes tribus qu’une tribu va capturer ses femmes, n’est-ce pas une pratique endogamique qui commence ? En fait, nous constatons parfois, là où nous connaissons mieux les cérémonies qui suivent le mariage par capture, que l’homme ne croit pas qu’il lui suffise d’avoir ravi une femme pour qu’il lui soit licite de l’épouser[1] : avant de contracter mariage avec elle, il la fait adopter par sa tribu : preuve que là même où se rencontre la pratique du rapt, le souci endogamique n’est pas forcément absent. L’endogamie est donc beaucoup plus générale qu’on ne le croirait au premier abord. Comme la caste hindoue, beaucoup de tribus de races très diverses sont endogames pendant que leurs sections sont exogames. Les scrupules hindous concernant les mariages n’ont donc rien qui démontre nécessairement la descendance aryenne des castes.

  1. Lyall, Mœurs relig, et soc. de l’Extrême-Orient, p. 348.