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LES RACINES DU RÉGIME DES CASTES

ne distingue dans une société que trois ou quatre cadres très vastes ; celle-ci la sectionne en un nombre infini de petits cercles rigoureusement fermés. On ne saurait donc chercher, dans la distinction des « varnas » védiques, l’origine du régime des castes[1].

Les vrais prototypes des castes ne sont pas les « varnas » mais les « jâtis »[2]. Les chaînes qui unissent les membres d’une même caste n’ont pas été forgées avec les débris de celles qui unissaient les représentants d’une même classe ; c’est de celles qui unissaient les descendants d’une même lignée que leur viennent leurs anneaux. Seuls les cercles formés par les familles étaient assez étroits et assez nombreux pour engendrer la multiplicité des castes. L’exclusivisme actuel des castes n’est que le souvenir lointain de l’isolement des clans.

À vrai dire, sur la constitution de ces clans et leurs rapports, les Védas nous livrent moins de renseignements encore que sur la hiérarchie des classes. Nous observons sans doute que la population hindoue était divisée en viças et en janas : nous distinguons, d’après Zimmer, des tribus, des villages, des familles, analogues aux formes sociales que l’on rencontre chez les Germains et les Slaves[3]. Mais nous ne saisissons pas avec assez de netteté la formation de ces groupements élémentaires ; nous ne connaissons pas avec assez de précision leur organisation, leurs mœurs, les prohibitions qu’ils imposaient aux relations sociales, pour pouvoir y marquer le point de départ des règles de la caste[4].

Est-ce une raison décisive pour abandonner l’hypothèse ? Il faut bien se rendre compte que la littérature

  1. Senart, pages 154, 158, 180.
  2. Barth. Cf. Jolly, Zeitschrift der Deutsch. Morgenl. Gesell. 1896, p. 515.
  3. Zimmer, op. cit., p. 159. Cf. Senart, op. cit., p.225.
  4. La constatation de cette absence de renseignements précis est la principale objection adressée par Oldenberg à la théorie de Senart. Cf. Zeitschrift der Deutsch. Morgenl. Gesell, 1897, p. 280 sqq.