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INTRODUCTION

aliments prohibés par sa caste devient un « outcast », un « hors la loi ». C’est pourquoi on a pu dire que la caste est « affaire de repas »[1].

Il est pourtant un terrain sur lequel le protectionnisme de la caste élève des barrières encore plus hautes : plus que de repas, la caste est « affaire de mariage »[2]. Il est en effet formellement interdit de se marier hors de sa caste : la caste est rigoureusement endogame. Il faut ajouter que cette endogamie se double d’une exogamie interne. S’il y a un cercle large à l’intérieur duquel l’Hindou doit prendre femme, il y a un cercle étroit, inscrit dans le premier, où il ne peut pas prendre femme. Beaucoup de castes, à l’imitation de la caste brahmanique, se divisent en gotras : les membres d’un même gotra ne peuvent s’épouser. Tantôt, c’est aux membres d’un même groupe éponymique, composé des descendants d’un même aïeul, tantôt c’est aux membres d’un même groupe territorial, composé des habitants d’une même localité, que cette prohibition s’applique[3]. Ces règles exogamiques sont complexes et varient avec les castes. Mais ce que nous avons à retenir pour l’instant, c’est la rigueur de la règle générale qui isole les castes et tend à les fermer éternellement l’une à l’autre.

Sans doute, cette règle aussi supporte bien des exceptions. Les sentiments provoqués par l’existence d’une hiérarchie triomphent parfois des sentiments de répulsion réciproque qui séparent les castes. Beaucoup de familles recherchent pour leurs filles des maris de caste supérieure ; « l’hypergamie »[4] domine alors l’endogamie. Certains Radhyas de haut rang sont si recherchés comme

  1. Elliot. Memoirs on the history, folklore and distribution of the races of the N. W. Provinces, Ed. Beames. Londres, Trübner, 1869, I, p. 67 en note.
  2. Risley, op. cit. I, p. xlii.
  3. Risley, I, p. li sqq.
  4. C’est l’expression proposée par M. Risley pour désigner ce phénomène.