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INTRODUCTION

comblé d’honneurs, possesseur de plusieurs fiefs, ayant doté sa famille et placé ses fils[1]. L’exemple montre que la hiérarchie sociale était loin d’être pétrifiée. Le pouvoir du roi pouvait bouleverser les situations traditionnelles. Il est à remarquer que si dans la féodalité égyptienne la transmission héréditaire des terres et des titres est de règle, il faut, pour qu’un baron soit reconnu tel, qu’à l’hérédité s’ajoute l’investiture du Pharaon. En donnant des terres ou des charges, il peut créer des nobles[2]. Il y a là des faits de mobilité sociale difficilement compatibles avec la rigidité du régime des castes.

Ajoutons que rien ne permet d’affirmer que cet esprit de division et d’opposition mutuelle, qui nous a paru être un élément constitutif du régime des castes, ait dominé dans la société égyptienne. Nous n’avons pas la preuve positive qu’un système de prohibitions ait longtemps isolé ses groupes élémentaires. Au contraire on a justement remarqué que l’Égypte est un des pays où l’organisation administrative a le plus vite effacé les divisions spontanées de la population. Les nécessités de la culture commune y devaient faire oublier les répugnances de clans : le Nil, a-t-on dit, exigeait l’unité[3]. Quelle qu’en soit la raison, il est certain que l’histoire de la civilisation égyptienne ne nous révèle pas cette invincible résistance à l’unification qui caractérise le régime des castes. Il devait se heurter, dans notre civilisation occidentale, à la puissance de la démocratie ; dans la civilisation égyptienne, c’est une monarchie forte qui entrave son développement.


III. – Le régime des castes en Inde.

Ce régime rencontre-t-il, dans la civilisation hindoue,

  1. Voir Maspero, op. cit., I, p. 290.
  2. Ibid., p. 300 sqq. Cf. Revillout, loc. cit., p. 145.
  3. Leist, Grœco-italische Rechtsgeschichte, Iéna, Fischer, 1884, p. 106.