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e 523. Mais l'objet des leçons devient proprement philosophique. On discute à l'infini sur l'être et le non-être, le moi et le non-moi, les diverses facultés de l'âme et les éléments du monde. La spéculation qui n'apparaît dans les Brâhmanas que greffée sur la liturgie s'épanouit ici en pleine terre.

On a cru trouver dans cette libre spéculation la preuve que le cercle des philosophes s'élargissait bien au-delà du cercle des prêtres-nés, et que d'autres castes que la caste brahmanique prenaient une part prépondérante à la vie intellectuelle. Elle devait être singulièrement active dans ces cours où l'on voit s'instituer des espèces de tournois de la pensée, dont les prix, présents des rois, sont des vaches aux cornes d'or. Le Brâhmana des cent sentiers prête ce langage à une Brahmane, la sage Girga 524. « Comme un fils de héros de Kâçi ou de Vidêha bande son arc débandé, et deux flèches mortelles à la main, se met en route, ainsi je suis venue vers toi armée de deux questions, qu'il te faut me résoudre. » Mais ce n'étaient pas seulement des femmes de race brah­manique, c'étaient des hommes d'autres castes qui prenaient part à ces discussions. Les Kshatriyas devaient y briller. Les Upanishads ont gardé le souvenir du roi Janaka, pour les arguments victorieux qu'il opposait à la dialectique des plus fameux Brahmanes. Bien plus, on relève ici les traces d'un enseignement « à rebrousse-poil » (pratiloman) : on voit des fils de prêtres accepter les leçons d'un fils de guerrier 525.

D'ailleurs, l'orientation même des idées révélerait, dit-