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rétrécissaient la terre » décèlerait un allègre esprit de conquête 513.

Et sans doute ces races guerrières se montrent à nous le front levé vers le ciel. C'est même un de leurs grands griefs contre leurs ennemis que l'impiété barbare dont ceux-ci font preuve. Mais du moins cette première dévotion aryenne n'a rien d'affadissant. Elle n'écarte pas l'homme de l'action. Les Rishis védiques ne sont pas des emmurés. Et lorsqu'ils s'adressent aux dieux, ce n'est pas une tradition compliquée, ce sont des sentiments tout spontanés qui les inspirent. La nature elle-même parle dans ce lyrisme : exemple unique, comme disait Renouvier 514, de « primitivité intellectuelle ».

Mais, de cette première impression, il semble qu'une étude plus appro­fondie détourne aujourd'hui la majorité des spécialistes. On fait observer que dès l'époque védique l'œuvre de dévirilisation est commencée : dispersés dans les riches plaines de l'Inde, les envahisseurs se laissent amollir. Le climat sans doute déprime leur énergie. En même temps, on ne voit se produire aucun des phénomènes sociaux qui sont propres à tremper les caractères. On ne voit rien s'ébaucher qui ressemble à une vie nationale. Il semble que déjà le poids de la vie religieuse fasse pencher la balance, au grand dam de la vie politique. D'où, avec le rétrécissement de l'horizon, une espèce de mutilation des personnes 515. Il est remarquable que les héros qui traversent les Védas sont moins des militants que des orants. Au lieu d'un Achille ou d'un Siegfried, c'est un Viçvâmitra, dont « les austérités sont les armes », qui tient la première place. Ajoutons que les guerriers, lorsqu'ils prient, ne s'adressent pas directement aux dieux, à la façon