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se disloquer : l'agent qui l'aurait unifié d'abord en aurait maintenu la cohésion. » Le nombre excessif, comme la multiplication continuelle des castes « par fissiparité » serait un signe suffisant, selon M. Risley 496, de leur origine extra-professionnelle.

En raison même de ces caractères, de ces traditions et de ces instincts, la caste ne sera pas seulement – ce qui va de soi – plus foncièrement routinière que la ghilde et plus sévèrement hostile à toute innovation, mais encore et surtout elle sera plus fermée, plus repliée sur elle-même, plus exclusive. La corporation, comme elle laisse possibles les mélanges de sangs, admet des hors-venus à titre d'apprentis et permet des coalitions entre corporations différentes. La caste, répugnant aux contacts comme aux mélanges, n'est pas seulement plus hostile à l'adoption des membres nouveaux, elle empêche ou gêne les relations entre castes.

Là peut-être était le plus grave inconvénient du régime c'est cet esprit de division intransigeante qui devait rendre impossible, en Inde, toute organi­sation supérieure. Dans le Moyen Âge occidental les corporations, toutes distinctes qu'elles fussent, surent s'ordonner pour former comme les piliers de la commune. Et les communes devaient être, en même temps que des forteresses pour l'indépendance des bourgeois, des ports d'attache pour le grand commerce. Que l'on se rappelle les attributions non seulement politi­ques, mais économiques des conseils formés par les représentants des diffé­rentes ghildes, et comment ces « économies municipales », en développant et en organisant leurs relations, devaient préparer des « économies nationales » bien vivantes 497, – et l'on comprendra tout ce que la civilisation hindoue a perdu, en laissant écraser sous la masse des castes les germes de la cité.