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c'est que, tenus à distance ou reçus dans le cercle du village, ces artisans demeurent en effet comme ses fonctionnaires. Ils ne travaillent pas pour un marché où ils rencontreraient une concurrence et d'où ils retireraient, selon les circonstances, un prix plus ou moins élevé. Ils sont payés le plus souvent d'une certaine quantité de grains, selon un taux fixé par une coutume immémoriale. Il faut ajouter qu'une terre leur est ordinairement allouée. Ils restent cultivateurs en même temps qu'artisans, et ce cumul de fonctions leur permet de remédier, dans une certaine mesure, à la gêne qui résulte du nombre restreint de leurs clients-patrons. Par où l'on voit que ce qui continue de dominer ici, c'est le type de ce que les économistes modernes appellent « l'économie fermée » des petites communautés primitives. Un stade est dépassé sans doute 485 ; ce n'est plus à l'intérieur du groupe domestique – comme il arrive encore chez les tribus qui vivent sur les limites de l'hindouisme – que les diverses besognes sont réparties, c'est entre des groupes d'origines différentes. Mais c'est du moins pour l'ensemble qu'ils forment, et sans commerce proprement dit, que tous travaillent.

Un autre stade est franchi lorsqu'on se trouve en présence d'un certain nombre de membres d'un même métier concentrés en des villages qui fournissent leurs alentours : villages de potiers et de corroyeurs, de forgerons et même de menuisiers. Le phénomène se rencontre encore en Russie et ailleurs 486. En France même, n'avions-nous pas, jusqu'à ces derniers temps, des villages dont tous les habitants étaient chaudronniers de père en fils ? Il semble que cette organisation ait été la règle en Inde. Le goût de l'exclusivis­me faisait passer sur les difficultés que la distance devait opposer tant à l'achat qu'à la vente.