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Et, en effet, pendant des siècles, c'est une vie nationale qui a le plus manqué à l'Inde. De nos jours seulement il semble que la civilisation anglaise, par les exemples qu'elle fournit, par les milieux nouveaux qu'elle crée, par les réactions qu'elle provoque, commence à inoculer aux Babous, avec le sentiment individualiste, quelque chose qui ressemble au sentiment national. Mais sous aucune des formes d'État qu'elle avait connues jusqu'ici, l'Inde n'avait réussi, l'Inde n'avait même songé, pourrait-on dire, à se constituer en patrie. En raison de l'état de division où le régime des castes la condamne à vivre, elle n'a pu faire front contre les conquérants, elle a laissé tous les empires, petits ou grands, peser sur elle. Mais le même régime qui leur laissait le champ libre s'opposait aussi à ce que leur action politique descendît profondément dans l'organisation sociale. Ils se sont succédé, sans l'entamer, à la surface du monde hindou. Jamais, par suite, il n'a pu s'instituer entre haut et bas, entre parties et centres, cette réciprocité d'actions qui est nécessaire non seulement à une vie politique mais à une vie économique intense ; les piliers ont manqué pour l'établissement d'une véritable Volkswirtschaft.


On comprendra mieux l'importance de ces lacunes si l'on se rappelle que l'Inde n'a jamais possédé, à vrai dire, un ensemble de villes assez volumi­neuses et assez nombreuses pour que la production et la circulation des richesses y trouvassent, en même temps que la production et la circulation des idées, les centres de coordination qui lui sont nécessaires. Les véritables centres de la vie, en Inde, demeurent toujours placés dans les villages 478. La