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institutions. Il est vraisem­blable aussi que, parmi ces motifs extrinsèques, les motifs spécialement religieux ont ici le plus pesé, puisqu'il semble bien qu'ici surtout la puissance d'ordre spirituel a pris le pas sur les autres, et représente le sommet en même temps que la source de toute puissance sociale. Cherchant les raisons géné­rales qui déterminent la hiérarchie des professions, M. P. Lapie 451 indique qu'une profession attire d'autant plus d'estime qu'elle assure à ses membres plus de puissance et plus d'indépendance. Il importe d'ajouter que les notions elles-mêmes de puissance et d'indépendance varient ; elles revêtent telle nuance ou telle autre selon la coloration générale des sentiments qui règnent dans une société ; elles reflètent les diverses « tables des valeurs ». En Inde, nulle valeur n'est supérieure, en principe, à celle que sa pureté communique et réserve au Brahmane. C'est grâce à elle que, sans armes et sans trésors, de son seul doigt levé il meut ou arrête les choses et les hommes. Le fluide que sa race possède est assez fort pour lui mettre en main la faculté d'imposer, à ces éléments de la masse hindoue qui ne cessent de se repousser mutuellement, le seul ordre qu'ils puissent universellement accepter. Dans une civilisation si profondément pénétrée de soucis religieux, il serait étonnant qu'on ne les retrouvât pas à la racine des distinctions professionnelles elles-mêmes.

C'est surtout autour du Brahmane, à vrai dire, et en raison de sa dignité même, que nous voyons se multiplier les interdictions. Elles restreignent étroitement, sous peine de déchéance, le nombre des métiers qui lui restent accessibles. Il lui est nommément défendu, non seulement de vendre des liqueurs enivrantes, des alcools ou des parfums, mais de la viande, du lait, du sel, des tissus colorés, des choses faites de laine, de chanvre ou de lin.