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tabous de différentes sortes. Déjà quand il s'agit de la répartition des tâches entre les sexes, ce sont des craintes superstitieuses qui expliquent dans certains cas l'abstention des hommes, et dans d'autres l'abstention des femmes. Dans l'empire de Lounda, aucun homme ne peut assister à la récolte de l'huile de noix ; sa présence compromettrait la réussite de l'opération. Réciproquement dans l'Ouganda, il n'est permis à aucune femme de toucher le pis d'une vache 449. Des tabous de même ordre contribuent sans doute à justifier le système général de la spécialisation non plus seulement dans la société domestique, mais dans la société politique. C'est surtout à propos des « hommes-dieux », rois ou prêtres, qu'on a observé le grand nombre de choses dont leur dignité leur interdit le contact. L'espèce d'électricité, à la fois dangereuse et bienfaisante, dont ils sont chargés, rétrécit étrangement le cercle de leur activité 450. Ne cite-t-on pas tel chef polynésien qui aima mieux se laisser mourir d'inanition que de se servir de ses mains pour porter les aliments à sa bouche ? Les règles qui s'appliquaient au Flamen Dialis sont restées fameuses par leur multiplicité et leur rigueur. Mais il suffisait d'une seule règle analogue à celle-là pour inter­dire en principe telle occupation au descendant de telle race ; et sans doute, les diverses sympathies ou antipathies que les sociétés primitives imaginent si volontiers ont dû jouer, dans la répartition des fonctions par ordre religieux, un rôle dont nous avons peine à nous représenter l'étendue.

Il est vraisemblable qu'en Inde plus qu'ailleurs les motifs extrinsèques, dans la distribution des fonctions, l'ont emporté sur les motifs intrinsèques, puisque nulle part ailleurs le sentiment de l'inégalité n'a montré plus de vigueur, dès l'origine, pour presser sur toutes les