sortir et, imitant de trop près les supérieurs, pourraient exposer l'opinion à de fâcheuses erreurs sur la caste. Les codes consacrent des prescriptions nombreuses aux costumes et aux insignes – cordons, ceintures, bâtons – des castes différentes. En fait, dans la pratique, on constate qu'un grand prix est attaché aux distinctions extérieures qui ont « le précieux avantage de prévenir des confusions cuisantes ». Même une richesse au-dessus du commun n'autorise pas les membres d'une caste méprisée à usurper certains luxes réservés. Dans le sud de l'Inde, les Shanars, malgré leurs trésors amassés, se voient exclus du droit de porter ombrelle, de s'orner d'or, ou d'élever des maisons de plus d'un étage 434. Quelles contestations, quelles rixes se déchaînent lorsque les règles de ce genre sont violées, l'abbé Dubois le signale 435. « On se bat, nous dit-il, pour le droit de porter des pantoufles, de se promener en palanquin ou à cheval dans les rues les jours de mariage. » Il cite une sorte d'émeute qui naquit de ce qu'un Chakily, savetier, se montra à une cérémonie publique avec des fleurs à son turban. De même au Népal, M. Sylvain Lévi rapporte 436 que le droit fut refusé aux Podhyas de porter la calotte nationale : la veste, les souliers, les ornements d'or leur furent aussi interdits. Les Kasais furent obligés à porter des vêtements sans manches. Sur les maisons des uns et des autres comme sur celles des Kullus étaient prohibées les toitures de tuiles. Il a donc subsisté en Inde plus longtemps qu'ailleurs des tabous somptuaires à côté des tabous alimentaires : l'organisation sociale répugne à tout ce qui pouvait favoriser l'effacement des rangs, le mélange des sangs, la confusion des groupes.
L'importance économique de ce système de prohibitions préventives, on la mesurera aisément si l'on se rappelle à