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LES EFFETS

seconder ces sévérités, pour quelles raisons elles devaient se prêter et coopérer volontiers aux rigueurs de la répression, nous pouvons aussi nous en rendre compte. S’il est vrai en effet que les groupes fermés ont été en se spécialisant, et qu’ainsi une forme de la division du travail s’installe dans la société hindoue, le phénomène n’a rien de commun avec la différenciation libre et progressive dont nos sociétés, par exemple, nous donnent le spectacle 404. Grâce à celle-ci, l’indépendance des individus se fait jour, le contrôle des collectivités se détend. Rien de semblable en Inde, où la caste spécialisée tient ses membres immobiles et serrés les uns contre les autres dans le cercle des usages et du métier héréditaire. Un pareil milieu plus que tout autre est favorable à cette unanimité de sentiments, à cette intolérance pour toute divergence, qui se traduit normalement par le caractère sacro-saint des coutumes et le caractère cruel des peines. Les collectivités élémentaires dont la juxtaposition constitue le régime des castes appartiennent donc à un type social très simple en effet. Leur différenciation interne est au minimum ; et il n’est pas étonnant qu’à l’intérieur de chacune d’elles la conscience collective manifeste impérieusement sa prépondérance.

Mais lorsqu’il s’agit des relations de ces groupements élémentaires entre eux et des règles qui fixent ces relations, peut-on parler encore d’une conscience collective qui réclamerait, pour assurer le respect de ces règles, un système de pénalités sévères ? Si les éléments constituants du régime s’efforcent avant tout de vivre dans l’isolement moral et se refusent à toute espèce d’unification, d’où vient sa rigueur au droit qui détermine leurs rapports ? – C’est que précisément cette multitude de cercles se tou-

I . James Mill {Encycl. Brit. article Caste) montre comment la division du travail entre castes arrête, dans Tordre économique, les effets progressifs de la division du travail. Il faut dire la même chose, et a fortiori, des effets de la division du travail dans Tordre social. V. plus bas, p. 2i3 sqq.