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LES EFFETS

D’une manière plus générale, il ne suffit pas, pour rendre compte des caractères d’une institution quelconque, de constater qu’elle était enveloppée de religion. D’où lui vient ce nimbe aux yeux des hommes ? Quelles raisons les incitaient à se la représenter comme sacrée ? C’est sur ces points qu’on voudrait plus de lumière.

Au surplus, on a effectivement essayé de fournir, du volume et du poids du droit pénal, des explications plus complexes. On a signalé une relation constante entre la dureté des peines et la structure même des sociétés. La galerie des supplices est d’autant plus riche que les sociétés sont moins compliquées, moins différenciées, moins organisées, et qu’en même temps on y rencontre une plus grande concentration de la force gouvernementale. Un type social très simple d’une part et, d’autre part, un pouvoir central absolu, voilà les deux piliers des systèmes répressifs barbares. C’est lorsque ces deux conditions sont réunies que les consciences collectives sont les plus exigeantes ; c’est alors qu’elles réclament pour l’ordre social établi un respect religieux, et défendent cet ordre par les peines les plus cruelles 402. Dans quelle mesure cette théorie concorde-t-elle avec la situation respective du droit et du régime des castes en Inde ?

Il semble au premier abord que la discordance soit frappante. Ne nous répétait-on pas que la notion même de l’État manque à l’Inde, et que ce qu’elle conçoit le moins c’est la puissance d’un gouvernement central ? D’autre part, est-il permis d’appeler simple et indifférenciée une société comme la société hindoue, avec cette multiplicité de groupements qui se spécialisent, en même temps qu’ils se repoussent et se superposent ?

Mais peut-être l’objection fait-elle fond sur un certain nombre de malentendus que nous pouvons maintenant


I. V. Durkheim, Deux Lois de l'Evolution pénale (Année sociologique, IV, p. 65-95). Cf. La Division du Travail social. Livre I, chap. m et iv.