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LE DROIT

tituait pour lui faire contrepoids, parce que le sacerdotium, comme dit M. Weber, ne s’y trouvait pas contenu par un imperium.

On l’a souvent répété : en Inde, nul rudiment d’État. L’idée même d’un pouvoir public est étrangère à l’Inde 374. Et sans doute, comme le fait observer M. Fick, il ne faut pas prendre ces expressions au pied de la lettre 375. Toutes sortes d’autorités se sont essayées sur ces masses immenses : elles ont vu, dans un désordre sans égal, se succéder les empires et se multiplier les principautés 376. Ce qui reste vrai, c’est que tous les gouvernements quels qu’ils soient ne semblent jamais reposer que sur la surface du monde hindou. Ils ne l’atteignent pas, pour l’organiser, dans ses profondeurs. Précisément parce que les Hindous vivent isolés dans les compartiments de leurs castes, ils semblent faits pour être subjugués par tout le monde, sans se laisser assimiler ni unifier par personne. Incapables de se coaliser pour la résistance active, chacun de leurs groupes oppose aux pressions d’en haut la résistance passive de ses traditions. En d’autres termes – il faut toujours en revenir là – il manque à l’Inde la Cité : la Cité seule capable d’instituer des rapports méthodiques entre les peuples et les gouvernements, et dont le travail a fourni en somme, directement ou indirectement, tous leurs modèles et leurs principes à nos États occidentaux. Faute de cette gestation, une organisation proprement politique n’a pas été donnée à la société hindoue, et la tradition religieuse a pu la dominer tout entière.


Et sans doute, pour imposer ses principes mêmes, il faut à la tradition religieuse la collaboration d’un pouvoir séculier. Si vivace que soit la confiance primitive dans

I. Senart, ouvr. cit, p. 249.

a. Die sociale Gliederung imnord. Indien, p. 76 (en note).

3. V. Sylvain Lévi, Le Népal, I, introd., p. 4.