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LES EFFETS

Ces charanas étaient-ils aussi nombreux que le croyait Colebrooke et constituaient-ils une espèce d’organisation universitaire, comme les écoles de notre Moyen Âge ? Ne gardaient-ils pas plutôt la physionomie de l’organisation familiale, et leur tradition, conformément à l’allure générale du régime, ne se présentait-elle pas comme ces secrets que les pères confient aux fils 365 ? Toujours est-il qu’on se trouve là en présence de traditions transmises et commentées par une suite de spécialistes, et que ce trait déjà peut expliquer quelques-uns des caractères des codes hindous. Dans le code de Manou en particulier, Bühler a relevé les répétitions, voire les contradictions qui révèlent des séries de remaniements. Peut-être sous le Çâstra que nous connaissons pourrait-on retrouver un Soutra qui remonterait jusqu’à la secte védique des Mânavas. Des traditions si longuement ruminées ne pouvaient manquer d’aboutir à un droit assez compliqué et raffiné. On a souvent observé le plaisir que semblent prendre les rédacteurs de ces codes à distinguer, à proportionner, à classifier de toute façon. Faut-il voir dans ce goût un trait natif du génie hindou ? Ou bien penserons-nous que s’il se conserve et se développe à travers tant de générations, le spectacle de la réalité sociale, toute divisée et graduée, qu’elles ont sous les yeux en est pour une part responsable ? Quoi qu’il en soit, la serre chaude des écoles brahmaniques devait être favorable à cette végétation exubérante de classifications.

Le même milieu de professionnels ne prêtait-il pas à la découverte de ces nuances qu’admirent nos historiens du droit, par exemple en matière de distribution des responsabilités, en cas de récidive, ou lorsqu’il s’agit de tenir compte des intentions 366 ? Preuves, disait Thonissen, « que

I. V. West and Buhler, A Digest of the Hindu law, p. Sa. Ghose, Prin- ciples of the Hindu law, p. vii-x. Mayne, A Treatise on Hindu lawand usage, p. 38. S. Maine, Ancien Droit et Coutume primitive, p. aa.

a, V. Kohler, ZVvR, 1908, p. i84 sqq. Thonissen, Hist. du Droit criminel, p. 61.