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LES EFFETS

sance organisée d’un État lui-même soumis à la pesée du peuple 361. La laïcisation du droit ne pouvait s’accomplir que dans la cité réorganisée par la volonté d’une plèbe « consciente ».

Mais les castes en Inde n’ont jamais pu s’entendre pour former une cité et imposer un remaniement du droit. Obstinés dans l’horreur des contacts et des mélanges, les premiers groupements familiaux ne sont pas entrés ici dans la voie des concessions, des compromis, des limitations réciproques. Aucune plèbe ne s’est assemblée et levée pour exiger une refonte des premiers cadres. Et c’est pourquoi chez les Aryens de l’Inde, non seulement le droit public, si riche chez leurs frères gréco-italiens, est réduit à sa plus simple expression, mais encore la distinction du jus et du fas reste inexprimée.

Non que le mouvement de la civilisation n’ait forcé, ici comme ailleurs, la première doctrine juridique à s’élargir, et n’ait obtenu par exemple une place dans les codes pour les réquisitions d’une organisation économique plus compliquée. C’est en ce sens que M. Dahlmann oppose à l’âge du rita l’âge du dharma, qui se montre moins exclusivement attaché aux vertus ordonnatrices du sacrifice et plus préoccupé de l’activité humaine, de ses conditions et de ses conséquences. Mais l’antithèse reste indécise, et celui qui la propose doit reconnaître que dans le dharma même la religion ne lâche pas sa prise 362. La société hindoue ne s’est pas donnée les organes nécessaires à la confection, à la conception même d’un droit laïcisé.


La seule force organisée qui se dresse dans l’universel émiettement, c’est précisément celle qui a la charge de maintenir, envers et contre tous, les droits de la conception religieuse de la vie : c’est le corps sacerdotal.

1. Guq, Les Institutions juridiques chez les Romains, I, p. aS.

2. Das Mahâbhârata als Epos u. Rechtsbuch, p. 290.