hibitions traditionnelles de la table et du lit 356. Plutôt encore qu’un de ses fruits, on pourrait donc dire que la caste est le noyau même de la religion hindoue.
Est-il étonnant, après une pareille compénétration du sacré et du social, que les prescriptions juridiques restent, en Inde plus qu’ailleurs, imprégnées d’imaginations religieuses ? Presque partout nous voyons le droit naître et grandir à l’ombre de la religion. Elle lui prête sa confiance dans le jugement des dieux, la force contraignante de ses imprécations, les vertus magiques de ses formules et de ses gestes 357. Mais précisément le progrès du droit consiste à s’émanciper de cette tutelle, à far da se avec les ressources proprement humaines. Le jus se taille son royaume en dehors du fas. C’est pour avoir de bonne heure marqué cette distinction que le peuple romain a mérité en matière de droit le titre d’éducateur de l’Occident 358.
Et, à vrai dire, même à Rome, il semble que l’œuvre de sécularisation ait été plus lente qu’on le croyait naguère. On a noté la forte coloration religieuse que garde longtemps la table des délits qui relèvent de la justice du roi 359. La vindicte publique, au nom de laquelle il agit, n’apparaît elle-même que comme l’exécutrice des hautes œuvres de la vengeance divine. Mais même en matière de justice civile, dans la transmission des sacra qui accompagnait à l’origine la dévolution des biens, dans la protection spéciale accordée aux bornes des propriétés, dans les stipulations de toutes sortes qui prennent les dieux à témoins, on relève aujourd’hui les signes d’une pression religieuse persistante 360. Pour résister à cette pression, pour développer librement un droit « bourgeois et profane », expression réfléchie des volontés concertées, il a fallu toute la puis-
1. Sherring. Hindu tribes and Castes, III, p. 276.
2. Kohler, Rechtsgesehichte und Weltentwickelimg, ZVvR, i885, p. 323.
3. Ihering, Esprit du droit romain^!, 268-307.
^. Girard, Histoire de l'organisation judiciaire des Romains, I, p. 32-35.
5. Lambert, La Fonction du Droit civil comparé, p. fiSg sqq.