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LE DROIT

versements qui rendent les distinctions plus flottantes, le critère le plus net dont les enquêteurs disposent pour déterminer l’ordre de préséance, des castes, c’est, nous l’avons remarqué plus d’une fois, l’estime où le Brahmane tient chacune d’elles, et qu’il manifeste en acceptant ou en en refusant les différentes espèces d’aliments qu’elles lui offrent. Et en fait on retrouve les fautes dénoncées par Manou – abandons des coutumes héréditaires, omissions de rites, ou unions illégitimes – à l’origine de bien des déchéances 350. L’ombre peut avoir quelque chose de plus rigide et de plus anguleux que le corps : le droit brahmanique n’en reste pas moins, par les grandes lignes de son système anti-égalitaire, comme une projection de la structure sociale de l’Inde.

Que le plan de ce droit soit d’ailleurs, en majeure partie, dessiné par la religion, on ne s’en étonnera pas si l’on se rappelle que des scrupules de pureté fournissent la clef de voûte, ou même la première pierre de toutes les constructions hindoues, et que les parties n’en sont ordonnées et maintenues à leur place que par des sentiments de respect pieux ou d’horreur sacrée. On a prétendu que la caste était « affaire de mariage » ; d’autres ont dit « affaire de repas ». Les deux thèses convergent : originellement le mariage a pour but d’assurer au culte des ancêtres des officiants de leur race, et le repas, préparé grâce à l’élément divin par excellence, a tous les caractères d’une communion rituelle 351. C’est dire en d’autres termes que la caste est essentiellement affaire de religion 352.

On a pu hésiter à accepter cette définition : ne voit-on

I. V. Census of India, 1901, vol. VI (Bengaî), p. 361. vol, I (India), p. 528. Nous avons constaté déjà que, sur plus d'un point, les enquêteurs anglais semblent disposés à réagir contre l'excessive défiance que nous inspiraient, à regard de la théorie du code de Manou, la critique de M. Senart.

a. Senart, loc. cit., p. 45, ai3.

3. Si nous ne consacrons pas un chapitre spécial aux phénomènes religieux c'est que, dans tous nos chapitres, qu'il s'agisse du droit, de l'économie ou de la littérature, nous ne cesserons de voir croyances et scrupules à Tceuvre.