rapport est renversé. Non seulement plus de la moitié des versets juridiques est consacrée au système répressif, mais encore, là même où il ne se formule pas expressément, on sent sa menace dominante. La notion d’une sanction purement restitutive n’est pas dégagée. Pour distinguer les délits civils des crimes proprement dits, la terminologie manque : il semble que tous les délits soient au même degré des fautes (aparâdha) qui appellent des châtiments (danda) 334. Au vrai malgré l’importance relative qu’il a prise dans le code de Manou, le droit civil et commercial n’est pas encore détaché du droit pénal. À part quelques différences de détail, – portant par exemple sur la nature des témoignages admissibles : c’est seulement en matière d’adultère, de vol ou de violence que n’importe qui peut être reçu à témoigner –, dans les cas que nous appellerions civils et dans les cas criminels la procédure est sensiblement la même. On sent régner encore l’esprit des antiques Soutras, où toute violation d’une obligation, quelle qu’elle soit, doit être expiée par une peine. Pour trouver la distinction à peu près nette, il faudra descendre jusqu’au code de Brhaspati 335.
Veut-on d’ailleurs la preuve qu’aux yeux des rédacteurs du code de Manou la mission du droit est essentiellement répressive ? Qu’on se rappelle le lyrisme tragique avec lequel ils célèbrent le Génie du Châtiment, « à la couleur noire, à l’œil rouge » 336. « Le Châtiment gouverne le genre humain, le Châtiment le protège, le Châtiment veille pendant que tout dort ; le Châtiment est la justice, disent les Sages. – Si le roi ne châtiait sans relâche ceux qui méritent d’être châtiés, les plus forts rôtiraient les plus faibles… La corneille viendrait becqueter
1 . Oldenberg, dans Zum àltesten Strafreeht der Kulturvôlker, Leipzig, Dun- cker, 1905, p. 78.
2. Jolly, Rechtu. S., p. i38. Dareste, Etudes d'histoire du Droit, p. 78, Oldenbèrg, ouvr. oit, supra, p. 74.
3. VII, i4-3o.