Un grand nombre de castes « inférieures » ont donc fait pénétrer leurs membres dans les classes « supérieures » de la société anglo-indienne.
Et si toutes n’y ont pas également réussi, faut-il en accuser la structure cérébrale des races qui les constituent ? Les circonstances sociales ne pèsent-elles pas d’un poids plus lourd dans la balance ? On a vu rarement des Napits barbiers s’élever sur l’échelle des fonctions sociales : cela tient-il à la spécialisation constitutionnelle, à la race des barbiers, ou bien plutôt à la pression de l’opinion générale qui, regardant les barbiers comme des êtres à la fois impurs et sacrés, enchaîne leurs fils à leur situation traditionnelle ? En fait, là où le prosélytisme chrétien réussit à faire reculer les préjugés de caste, ne fait-il pas aussi pénétrer l’instruction dans des bas-fonds qui semblaient devoir lui rester fermés à jamais[1] ? Ce sont donc des forces morales bien plutôt que des forces physiques qui décident de la répartition des professions. L’ « expérience » que la civilisation anglaise a permise à la civilisation hindoue ne nous a nullement révélé les marques héréditaires et comme les poids spécifiques des différentes castes : rien ne nous prouve que leurs membres portent, enregistrée dans leur organisme, telle vocation déterminée.
Aussi les Anglais sont-ils mal venus à revendiquer, pour leur propre race, telle aptitude professionnelle. « Les Hindous, disent-ils quelquefois, n’auront jamais l’esprit à la fois scientifique et pratique nécessaire pour mener l’industrie. » À quoi les Hindous répondent[2] : « Si nous n’avons pas fait jusqu’ici de bons industriels, c’est qu’il nous a manqué et l’instruction technique et le capital suffisant. Le jour où l’Inde aura l’un et l’autre, elle tirera de son sein ses ingénieurs, comme elle en a tiré ses avocats et ses professeurs. » De fait, l’expérience commencée