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LES RACES

société. Parce que l’Inde s’est laissé cloisonner dès la plus haute Antiquité par le régime des castes, parce qu’elle a réparti ses races en sections non seulement hiérarchisées, mais strictement fermées et spécialisées, elle nous permettra sans doute de vérifier les thèses maîtresses de l’anthroposociologie ; entre les différences physiques, les différences sociales et les différences mentales, elle nous révélera des rapports constants.

En fait, dès leur première impression, les voyageurs sont frappés, en Inde plus que partout ailleurs, de la grande diversité des types rencontrés. S’ils s’en fiaient aux physionomies qui se succèdent devant leurs yeux, ils pourraient se croire transportés, tantôt en Grèce, tantôt en Afrique, tantôt en Extrême-Orient. Jacquemont raconte son étonnement lorsqu’il visita le collège anglo-indien de Calcutta 300. Quarante jeunes indigènes y étaient réunis : « Plus de la moitié avaient de belles figures, presque tous de très belles mains. Drapés plutôt que couverts d’une mousseline grossière, mais moelleuse, beaucoup d’entre eux, par l’élégance naturelle de leurs poses et de leurs gestes, me rappelaient les statues grecques. » Le colonel Dalton 301 dit avec quelle surprise il découvrit chez les Kurmis et chez les Goalas des garçons et des filles qui, par la finesse des traits, l’harmonie des formes, la clarté du teint ne le cédaient en rien, sans doute, à la race des bergers d’Arcadie. Souvent ainsi, d’une manière inattendue, sous les haillons d’un fakir ou sous l’uniforme d’un cipaye, il vous semble reconnaître un homme de votre sang, un « frère aryen ». Mais regardez maintenant ces

I. Voyage dans l'Inde, I, i53.

a. Cité par Schiagîntweit. Zeitschrift der Deutschen Morgenlândischen GeselUchafL Bd XXXIII, p. 807.