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LA VITALITÉ DU RÉGIME

Ce sont elles en tout cas qui définissent directement, en même temps qu’elles déterminent immédiatement les obligations de l’individu. Si nous voulons par exemple être renseignés sur le statut de tel Brahmane, il ne nous suffira pas d’apprendre qu’il est de la catégorie des Panch Gaurs, ni même que parmi les Panch Gaurs il est un Kanaujuga et parmi les Kanaujugas un Jighotia. Il importe de savoir qu’il est un Bundelkhandi Jighotia. Il ne peut prendre femme qu’à l’intérieur de cette section locale. C’est d’elle qu’il doit respecter avant tous les us et coutumes dans leurs particularités. C’est elle qui mesure son prestige et marque sa place dans la hiérarchie sociale.

Combien il est difficile, au milieu d’une telle multiplicité en mouvement, de retrouver le dessin de cette hiérarchie, on s’en rend compte. Les groupements en face desquels on se trouve ne sont pas de même nature : si les uns sont des espèces de ghildes cristallisées, d’autres, nous l’avons vu, sont des sectes pétrifiées, ceux-ci doivent leur origine à des mélanges de sang, ceux-là à des conversions de tribus. Comment fixer, sur une même échelle de dignité, les places respectives d’éléments aussi hétérogènes ? Ajoutons que si la seule distance matérielle suffit à diviser les castes, les changements de lieu marqueront aussi, le plus souvent, des changements de situation, des ascensions ou des déchéances : les Minas sont singulièrement plus estimés au pays d’Alwar par exemple qu’au pays de Marwar[1]. On observe fréquemment enfin pour une même caste, lorsqu’on passe du nord au sud ou de l’est à l’ouest, de brusques sautes de prestige. En cette matière aussi ce défaut d’unité se fait sentir, qu’on a si souvent reproché à la civilisation hindoue. Tout ce qui

  1. Census, vol. XXV (Rajputana), p. 130.