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LA CASTE ET LA RÉVOLUTION BOUDDHIQUE

aussi au régime que cette philosophie légitime ? M. Barth fait observer qu’en fait, non seulement le bouddhisme ne détruisit pas la caste dans les pays où il fut dominant, mais probablement il l’importa dans les pays où elle n’existait pas encore et où elle a duré à ses côtés – dans le Dekhan, à Ceylan, aux îles de la Sonde. Nous comprenons maintenant les raisons profondes de cette solidarité persistante. En dépit de son opposition au privilège brahmanique, le bouddhisme n’a pas eu la force, il n’a même pas eu l’intention de renouveler les formes sociales de l’Inde, parce qu’il n’a pas cessé de s’alimenter au fonds d’idées dont elle vit. Il n’a pas fait jaillir à vrai dire une source de notions toutes nouvelles : il a bu lui aussi au fleuve puissant et trouble de l’émanatisme traditionnel, à cette espèce de Léthé de l’Orient qui verse, aux vivants qui en boivent, le dédain des injustices de la vie.


Il est donc vrai que les « dominantes » de la civilisation hindoue restent toujours en harmonie avec les exigences du régime des castes. La première impression que nous avait laissée la résistance opposée par ce régime, non seulement à la diversité des institutions politiques mais à la multiplicité des innovations religieuses, n’a pu que se confirmer au fur et à mesure que nous avons mieux connu, et analysé de plus près la nature de « l’exception bouddhique. »