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LA CASTE ET LA RÉVOLUTION BOUDDHIQUE

rieures du Bouddha, la tradition se garde bien de le faire apparaître au milieu d’une caste inférieure, mais toujours dans les rangs des Kshatriyas, on ne peut se défendre de l’impression que le bouddhisme fut d’abord, sans doute, une secte de nobles, une de ces écoles de Kshatriyas comme il s’en était trouvé dès la haute antiquité hindoue pour opposer leur théologie – l’Épopée et les Upanishads en font foi – à la théologie brahmanique.

Et certes, plus que toute autre secte, le bouddhisme devait être redoutable à l’autorité des Brahmanes : il tendait à la rendre inutile par cela même qu’il restreignait la part de la théologie proprement dite en même temps que celle des rites, et, sans chercher à résoudre les derniers mystères – le blessé que le médecin vient panser en demande-t-il si long ? – offrait aux blessés de la vie le moyen de se sauver tout seuls. Il est donc évident que la communauté bouddhique travaillait à soustraire leur clientèle aux prêtres de l’hindouisme : l’opposition d’intérêts est indéniable. Mais en quoi cette lutte de deux clergés, comme dit M. Senart[1], devait-elle avoir pour résultat de ruiner tout le système des castes ? La remarque appliquée aux petites sectes réformatrices reste vraie du bouddhisme. Ceux qu’il assemble en communauté, il les soustrait en quelque sorte à la vie sociale. Par le vœu de mendicité et le vœu de chasteté qu’il leur impose, il les détourne, en même temps que de l’œuvre de la reproduction, des tâches de la production. Les règles de la spécialisation héréditaire aussi bien que celles du mariage endogamique ne portent donc plus sur eux ; mais elles continuent de peser sur les fidèles du dehors, sur les laïques dont les fils viendront grossir les rangs de la communauté, ou dont le travail l’entretient. Ceux-là continuent de gagner leur vie ou de choisir leur femme en se gardant d’outrepasser les limites consacrées : tout convertis qu’ils

  1. Les castes dans l’Inde, p. 240.