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cela, ton esprit s’est ouvert aux Thias, aux Azours, aux ennemis de nos bons génies, aux maîtres de l’orgueil. Ils t’ont fait rougir de ta bonne Monghir ; ils t’ont persuadé que sa tendresse n’était qu’un artifice pour te subjuguer, pour faire de toi mon esclave. Mon esclave ! hélas ! c’est moi qui suis la tienne, et je n’en rougis pas ; mais tu me repousses. — Moi, repousser ma mère ! — Tu lui caches ton secret. — Mon secret, c’est que je n’en ai point. — Et pourquoi donc ce mystère qui, dans ce moment même, veille comme un espion invisible sur tes paroles, sur tes gestes, jusque sur les moindres mouvements de ton beau visage, et qui cherche à me fermer l’accès de ton âme ? — Tu vois ce que tu veux voir, ma mère. — Ah ! s’il était vrai, ma fille, que je serais heureuse ! Mais comment pourrais-je me dissimuler ce soin trop visible d’échapper à mes regards ; ce voile ténébreux dont l’esprit de ma fille s’enveloppe devant le mien ; ce besoin de te dérober aux caresses, aux empressements de celle qui t’a donné la vie et qui te donnerait encore la sienne ? Crois-tu que j’aie été la seule à remarquer ton indifférence, ton éloignement pour ceux dont la bienfaisante Shiva t’avait environnée dans les projets de son amour pour les rendre heureux par toi, pour te rendre heureuse par eux ? Tu ferais notre gloire et nos délices, et tu fixerais tous nos regards comme ce diamant doué de pensée qui ferme la ceinture de la reine des Péris et qui entretient un commerce éternel de lumière avec toutes les étoiles du ciel. Mais non ! tu te refuses à notre amour ; le bocage, que tu embellis de tes charmes, est devenu comme une île où nous n’abordons qu’avec peine : tous ceux que tu aimes à rassembler autour de toi nous deviennent étrangers, et pour te plaire il faut nous fuir. Descends en toi, ma fille, et juge-toi. Que dirais-tu de la