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la pensée d’aller trouver Monghir. — Oh ! ma mère, dit-elle d’un son de voix enchanteur (mais qui paraissait plutôt venir d’un instrument mélodieux que d’un cœur ému), ma mère, il y a bien longtemps que tu n’as réjoui les yeux de ta fille. — Hélas ! dit Monghir, plus longtemps peut-être pour moi que pour toi. — Mais, ma mère, quel plaisir ton âme trouve-t-elle dans la solitude ? — Ma fille, en quittant les humains on trouve les dieux. Heureuses les feroners (les âmes dévotes) qu’ils daignent accueillir ! — Mais à quoi te sert ce long jeûne qui te consume ? — Le jeûne peut affaiblir le corps, mais il nourrit l’âme. — Voilà toujours les mayas (les illusions) de notre mère… et ces bras que tu tiens étendus doivent succomber à la fatigue. — Je les tends vers les génies du ciel, et les génies de l’air les soutiennent. — Encore les mayas de notre mère. — Non, ma fille, je m’adresse à celui qui entend les plaintes muettes, et qui lit d’en haut les vœux que l’homme n’a pas encore achevé d’écrire dans les replis de son cœur. — Et qu’est-ce que tu lui demandes, ma mère ? dit la belle Pravir d’un air dédaigneux. — Je leur demande une fille, dit tristement la bonne Monghir. — Eh ! ne nous as-tu pas toutes deux : Méva qui suffirait seule à ton amour, et moi que voici ? — Hélas ! il m’en manque une, et c’est toi. — Y penses-tu, ma mère ? — Oui, toi ; tu me fuis, ma fille. — Eh quoi ! ma mère, tu dis que je te fuis quand je viens à toi ? Non, ma mère, ta fille sait son devoir. — Venir par devoir n’est pas venir à moi, fille trop aimée ; le devoir n’est pas le désir ; il t’amène comme autrefois ta nourrice apportait mon enfant dans mes bras. — Tu m’accuses, ma mère, et tu veux me voir coupable. — Te voir coupable ! moi qui laverais, si le grand Indra le permettait, la moindre de tes fautes avec mon sang pour te montrer aussi belle aux