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les plus admirables beautés de la Géorgie et de la Circassie. Chaque intervalle d’un éléphant à celui qui le précède est rempli par une troupe de cent cavaliers montés sur des chevaux assortis pour la figure et la couleur. En avant de chaque troupe, on voit quatre chameaux richement caparaçonnés, portant chacun deux archers adossés, qui, sur de longs bois de lance, élèvent dans les airs de larges queues de paon, et des croissants de cristal de roche ; à la droite et à la gauche du cortège, cent mille captifs suivent du même pas sur deux colonnes ; un anneau de chaîne au pied de chacun atteste leur esclavage ; ils marchent désarmés, et tournant vers la terre les drapeaux que jadis ils ont suivis : leur contenance, humble et triste, contraste avec la marche fière des soldats de l’invincible armée qui les entoure comme en les ramenant du champ de bataille ; le poli des armes qui couvrent les guerriers d’Akbar inonde l’horizon de ses reflets lumineux, tandis que, de toutes parts, un nombre innombrable de drapeaux, d’enseignes, d’étendards, de bannières, de banderoles de toutes couleurs, flotte au gré des vents, et semble de loin un immense jardin de fleurs mouvantes suspendu dans le vide des airs.

Parmi les éléphants, les chevaux, les chameaux, les bataillons qui couvrent la plaine, mille et mille beaux enfants, sans autre guide, sans autre commandement que la gaieté de leur âge, dansaient, sautaient, couraient çà et là, s’exerçaient à mille jeux divers, et, tantôt réunis, tantôt éparpillés suivant leur jeune caprice, ils présentaient naturellement l’image d’un peuple libre et joyeux sous la protection de ses redoutables défenseurs, tandis que des groupes de balladères et de musiciens, comme errant au hasard, faisaient entendre alternativement leurs chants et leur symphonie, à tout moment inter-