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sept mois sans lui rien envoyer. Il semblait qu’il ne dût rester ni un homme, ni un piquet ; point du tout : lui et sa troupe se sont parfaitement conduits, ils ont vécu je ne sais comment, mais je sais bien qu’en vingt-huit mois ils n’ont pas perdu un homme sur seize, tandis qu’au Sénégal on en perd un sur six dans l’espace d’un an. Tout le reste est aussi bien qu’il puisse être et jamais le hasard n’accorda de protection plus déclarée. Tout ce que je lui demande c’est de me conserver sa bienveillance pour des choses un peu plus intéressantes, dont la première est de te revoir et la seconde de ne te point quitter.


Ce 2. — Je remets à d’autres temps à te faire la description de ce pays-ci, ma bonne femme, je te donnerais trop envie d’y venir et si nous allions nous croiser en chemin sans le savoir, cela serait un peu trop triste. Contente-toi de savoir que la nature y est encore plus admirable dans les détails que dans l’ensemble et que je suis aussi fâché de n’être point botaniste en me promenant dans ces jardins-ci, que je le serais d’être sourd quand tu me parleras ou d’être aveugle quand je recevrai de tes lettres ; car c’est ici comme chez toi, il n’y a rien qui ne soit piquant, qui ne soit nouveau, qui ne soit charmant. C’est comme toi : toute autre chose que toute autre chose. Adieu.


Ce 3. — J’essaie tous les jours quelque nouvelle excursion dans l’intérieur du pays, mais toujours sans succès ; personne de nous ne sait la langue ni le chemin et nous nous engageons dans des broussailles épineuses, d’où nous revenons tout déchirés