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la migraine traîne à sa suite. Nous avons quitté précipitamment Madère, à cause des apparences d’un vent contraire qui met les vaisseaux en grand danger dans la rade. J’ai eu regret à cette charmante île, où je n’avais encore fait qu’une promenade ; mais la compagnie des Portugais est si importune, si obséquieuse, si fastidieuse, si insidieuse, qu’elle commençait à me dégoûter de leur fortuné séjour : ils sont comme les moines qui dégoûteraient du paradis. Le vent est très bon. Nous comptons voir demain au soir l’île de Palme ; nous pourrons bien nous y arrêter pour prendre encore du vin, et bientôt après nous trouverons les vents alizés, qui sont comme une poste bien montée pour aller en Afrique, mais par malheur elle ne l’est pas, à beaucoup près, de même pour en revenir. Adieu, chère femme ; je vais me coucher, quoi qu’il en soit, de très bonne heure et quoique je sois sûr de ne m’endormir que très tard. Mais je souffre tant que je suis incapable de tout ; ma seule ressource sera de prendre de l’eau sucrée avec des gouttes d’Hoffmann, pour voir si une fois dans six semaines je pourrai dormir et oublier un instant que je suis loin de toi.


Ce 6. — J’ai un peu plus dormi qu’à l’ordinaire, sans avoir, à beaucoup près, passé une bonne nuit ; mais je me sens la tête soulagée, et la vie m’est un peu moins à charge. Le temps se soutient, nous allons assez vite, et nous pourrons bien reconnaître ce soir l’île de Palme. Une chose assez singulière, c’est que dans ce temps-ci, qui est celui des variations à la mer, nous n’avons éprouvé que quelques lenteurs, mais jamais de contradictions. Le vent a été plus ou moins fort, plus ou moins favorable,