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cela est, je me ferai descendre à la côte, je laisserai mon monde à bord et je prendrai un bidet de poste pour aller baiser ma femme.


Ce 22. — Mes pressentiments ne se sont que trop confirmés : nous avons été battus toute la nuit de la plus horrible tempête dont on puisse se faire l’idée. Ma pauvre petite Cousine a tout supporté avec un cœur de lion. Dans ce moment nous nous trouvons en calme et nous attendons un meilleur vent pour réaliser les projets d’hier. N’importe, je sens que je te reverrai et je suis plus heureux que tout ce que tu n’aimes pas.


Ce 23. — Nous sommes à quatre lieues de la Rochelle entre la côte du Poitou et l’île de Ré, ne pouvant aborder d’aucun côté. L’impatience me dévore ; il semble que les contradictions s’entassent les unes sur les autres et ma pauvre philosophie se sent bien faible à la vue de tant d’ennemis. Mais qu’elle meure pourvu que je vive et que je te revoie toujours et toujours la même.


Ce 23, à l’île de Ré. — Je suis à terre, ou plutôt je ne suis plus en mer, mais il me reste encore un trajet à faire. Je le ferai hardiment et j’arriverai heureusement et je partirai promptement et je te verrai incessamment et je te baiserai comme je n’ai jamais baisé personne, pas même toi. Je suis chez le bon bailly Desecotais, que je connaissais et qui m’a reçu comme son fils. Je viens de faire un bon souper où j’ai mangé du pain, des légumes, de la viande fraîche, etc. Ce sont des mets nouveaux pour moi, mais ce qui sera plus extraordinaire encore, c’est un excellent lit où je dormirai bien pour la première