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cessons de grimper et de descendre, au lieu de glisser sur la surface. Cependant nous avançons un peu et dans la bonne direction, c’est-à-dire celle qui mène tout droit à la grille de ton jardin.


Ce 10. — Même vent, même marche. Je commence à être un peu fatigué de l’exercice que je ne fais pas et de celui que je fais, car quoique je ne puisse pas mettre un pied devant l’autre je suis secoué, bousculé, renversé, froissé à tout moment et surtout pendant la nuit. Mon estomac et même ma poitrine s’en ressentent, mais un souffle de l’air de France remédiera à tout. Je suis moins inquiet de moi que de mon pauvre maître d’hôtel, qui change à vue d’œil et que je crains de ne point ramener. Cet homme est dans le principe de tous les ignorants qu’il faut manger pour réparer ; j’ai beau porter toute l’attention possible à ce qu’il mange, il me trompe souvent par gourmandise et rend son mal incurable. Je finirai par lui donner un peu d’opium pour prévenir la gangrène dans les entrailles et calmer ses douleurs de colique ; peut-être en endormant le mal laisserai-je à la nature le temps de s’en débarrasser. Mais j’ai tort de te communiquer ma tristesse, je ferais mieux d’essayer de m’en distraire pour ne m’occuper que du bonheur que j’entrevois de bien loin à la vérité, mais enfin chaque instant m’en rapproche.


Ce 11. — Les vents menacent de devenir contraires et en attendant ils ne sont rien ; la mer n’est point encore abattue et le bâtiment qui ne trouve point d’appui d’aucun côté roule d’une force épouvantable et nous fatigue en pure perte, plus que