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dans l’occasion à la magnificence des kalifes et des soudans. Mais pour cela il faut que tu m’aimes, sans quoi rien n’aura de prix.


Ce 7. — Je viens de perdre un pauvre laquais, qui m’avait suivi dans ce pays-ci sans autre objet que celui de vivre et le voilà mort. Il était d’une force extraordinaire ; il avait vingt-deux ans. Sa maladie a duré à peine quinze jours, encore dans les dix premiers n’était-ce qu’une légère indisposition. Mais je n’ai pas pu me refuser au préjugé commun, à la prière de mes gens, aux représentations de mes amis et pour ainsi dire à mon devoir de le mettre entre les mains de la Faculté, et à force de saignées, de petites médecines et de vomitifs, ce pauvre malheureux s’est éteint comme une lampe, dont l’huile aurait coulé par les trous qu’on y aurait fait. Au milieu de mes inquiétudes pour toi, je suis toujours rassuré par ta haine pour les médecins et la médecine, mais je crains tes prétendues connaissances, fondées sur un prétendu instinct que le ciel ne t’a jamais donné. Si tu me parlais d’inspiration, j’y croirais plutôt, parce que j’en ai des preuves. Adieu, femme bien aimée.


Ce 8. — Voilà un pauvre malheureux que j’ai amené avec moi, à la demande de Mme la comtesse d’Artois, de Mme Victoire et surtout de sa femme, qui revient comme mourant d’une partie de pêche qu’il a été faire à une île déserte avec quelques-uns des passagers de Cayenne qui sont ici ; ils ont eu un très gros temps, ils ont été fort mouillés, ils ont beaucoup mangé et beaucoup bu, ils sont revenus par une chaleur affreuse après une navigation de 8 heures