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absolument inutile. Mais comme il était endetté vis-à-vis des gens du pays, qui l’avaient soutenu pendant que M. de Repentigny l’abandonnait, et que je ne me suis pas trouvé à mon passage pourvu des marchandises nécessaires pour acquitter nos dettes, je n’ai fait semblant de rien ; j’ai dit que je n’étais venu que pour prendre connaissance des choses et j’ai pour ainsi dire laissé mon monde en otage. Je vais dans un mois, quand la mauvaise saison de cette partie-là sera finie, envoyer Ma Cousine pour retirer tout mon monde et faire au roi une économie d’environ cinq ou six mille francs, sans la perte d’un denier pour le commerce. Mais, à propos, je ne pense point que ce papier-ci n’est point ce qu’on appelle du papier de ministre. N’importe, tu es faite pour savoir tout ce qui m’occupe ; je suis un gros morceau de toi, je suis ton arbre et tu es ma fleur ; tout est commun entre nous. C’est seulement dommage que tu sois d’une contexture si délicate et que moi j’aie l’écorce si rude, mais si peu que tu presses cette écorce-là, tu sentiras palpiter un cœur.


Ce 19. — Je commence mes grands préparatifs pour donner une indigestion générale à toute ma colonie le jour de la Saint-Louis. La mer est couverte de pirogues qui vont chercher de la volaille ; tous les ateliers retentissent de coups de marteau, de rabots, et de haches pour les toits et les planchers, qui doivent servir à mon festin. Tous les fours sont en feu pour me cuire des daubes et des pâtés ; enfin, je compte que cette journée sera au moins aussi fameuse que celle où, sur le mont Sina..... Que n’es-tu là pour m’aider dans mes nobles travaux, charmante enfant ! Je parie que tu serais heureuse et que tu