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la même, c’est-à-dire toujours différente, car c’est là ton caractère distinctif. Ton cœur ne change point, ton esprit varie toujours, tu es comme ces jolis diamants, qui jettent des feux de toute couleur et tu as l’imagination chatoyante.


Ce 14. — La Cérès va partir ; c’est précisément à ce même jour que le Rossignol est parti l’année passée. D’après ta lettre du 19 avril, la seule qui me dise quelque chose de fixe au sujet de ton mariage, il doit être fait et tu peux déjà être grand’mère[1]. Que toutes les bénédictions pleuvent sur ceux qui sont nés de toi et sur ceux qui naîtront d’eux. Mais, au milieu de tant de prospérités, ne pense pas encore être quitte avec le genre humain et souviens-toi de ce que M. Detella nous a promis formellement ; il ne nous a point encore trompés, il ne nous trompera pas, et je sens que si je m’embarquais sur la Cérès, la prophétie serait bien près d’être vérifiée. Adieu, cher amour, adieu. J’éprouve une tristesse intérieure en pensant qu’à pareil jour l’année dernière, je partais pour t’aller voir et qu’aujourd’hui, c’est un autre qui part à ma place.


Ce 17 juin. — Je suis si fatigué de toutes les affaires que j’ai eues et de celles que j’ai faites et surtout de celles que je n’ai pas faites, que je ne sais aujourd’hui que devenir. Le loisir me pèse, le scrupule me tourmente, je me dis trop tard : « Si je m’y étais pris plus tôt tout aurait mieux été. » C’est là

  1. C’est-à-dire le mariage de Delphine de Sabran avec le jeune Custine, qui n’eut lieu qu’un mois plus tard, le 21 juillet, à la suite de nombreux empêchements du futur beau-père.