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pas encore reveneue de son estonnement. Le Président, de son costé, estoit dans la derniere consternation.

C’estoit une chose plaisante que de les voir se regarder tous deux sans se rien dire, et d’examiner avec une attention qu’on ne peut se figurer. Neantmoins la Moliere resoleut de s’esclaircir d’une avanture qui luy paroissoit si surprenante : elle demanda au Président, avec un grand serieux, ce qui pouvoit l’obliger à luy dire qu’il la connoissoit ; qu’elle avoit pu croire, au commencement, que c’estoit une plaisanterie, mais qu’il la poussoit si loin, qu’elle ne la pouvoit plus supporter ; surtout d’où luy venoit son obstination à luy soutenir qu’elle luy avoit donné un rendez-vous, auquel elle avoit manqué. « Ah ! Dieu ! s’écria le Président, peut-on avoir l’audace de dire à un homme qu’on ne l’a jamais veu, après ce qui s’est passé entre vous et moy ! J’ay du chagrin que vous m’obligiez d’esclater et de sortir du respect que j’ay pour toutes les femmes, mais vous estes indigne qu’on en conserve pour vous. Après m’estre veneuë trouver vingt fois dans un lieu comme celuy où je vous ay veuë. il faut que vous soyez la derniere de toutes les créatures pour m’oser demander si je vous connois ! » On peut juger que la Moliere, de l’humeur dont elle est, ne fut pas insensible à ces duretez, et, croyant que c’estoit une insulte que le Pre-