Page:Boudin - La Fameuse Comédienne, 1688, édition Bonnassies, 1870.djvu/83

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pescher. Il fut donc à l' Hostel de Guénégaud, et la premiere personne qu’il aperçeut sur le Theatre fut la Moliere. Il se détermina d’abord à y monter contre les deffenses qu’il croyoit qu’elle luy en avoit faites ; mais il creut qu’un petit emportement de passion ne luy deplairoit pas.Il y monta, dans le dessein de luy marquer le chagrin qu’il avoit de ne l’avoir pas veüe l’après-disnée. D’abord qu’il fut sur le Theatre, il ne put luy parler à cause d’un nombre infiny de jeunes gens qui l’entouroient ; il se contentoit de luy sourire toutes les fois qu’elle tournoit la teste de son costé, et de luy dire, quand elle passoit dans une aile de décoration, où il s’estoit mis exprès : « Vous n’avez jamais esté si belle ! Si je n’estois pas amoureux, je le deviendrois aujourd’huy. » La Moliere ne faisoit aucune reflexion à ce qu’il luy disoit : elle croyoit que c’estoit un homme qui la trouvoit à son gré, et qui estoit bien aise de le luy faire connoistre. Pour le Président, il estoit hors de mesure de voir avec quelle negligence elle recevoit ses douceurs ; la piece luy sembloit donc d’une longueur insupportable. Dans l’envie qu’il avoit de savoir sa destinée, il fut l’attendre à la porte de la loge où elle se deshabilloit, et y entra avec elle, lorsque la Comedie fut finie.

La Moliere est fort impérieuse, et la liberté du Président lui pareut trop grande pour un