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La Tourelle fit fort l’opulente, et, après s’estre longtems deffendeue, elle luy dit qu’elle vouloit bien prendre un présent de luy, pourveu qu’il ne fust que d’une fort petite conséquence ; qu’elle ne vouloit qu’un collier pour sa fille qui estoit en religion. Aussytost notre amoureux la mena sur le Quay des Orphevres, où il la pria de le choisir tel qu’il luy plairoit ; elle luy dit qu’elle n’en vouloit un que d’un prix fort mediocre.

Ces manieres magnifiques furent un nouveau charme pour nostre amant. Il continuoit de la voir au mesme endroit, et elle luy recommandoit de ne luy point parler sur le Theatre, parce que ce seroit le moyen de la perdre entièrement, et que ses camarades, qui avoient une extresme jalousie contre elle, seroient ravies d’avoir une occasion de parler. Il luy obeissoit, et se contentoit d’aller admirer la Moliere, croyant que ce fust elle : il l’admiroit alors avec justice dans le rolle de Circé, qu’elle jouoit et dont elle s’acquittait parfaitement ; elle y avoit un certain habit de Magicienne et quantité de cheveux epars, qui luy donnoient un grand agrément.

Un jour que la Tourelle avoit donne un rendez-vous au Président chez la Ledoux, elle y manqua. Son amant, après l’avoir longtems attendeue, voulut aller à la Comedie, et toutes les raisons de la Ledoux ne purent l'en em-