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qu’elle estoit ou la laisser en repos. Du Boulay est honneste homme : il ne put souffrir un pareil traittement ; le mespris succeda à la pitié qu’il avoit eue de l’engagement de la Molière ; il se détermina à s’en retirer, malgré l’inclination qu’il avoit pour elle.

Dans un autre tems, la Moliere eust senty cette perte, mais le cœur de Guerin luy paroissoit quelque chose de si precieux, qu’elle ne se soucioit que de l’enlever à la Guyot. La Chasteauneuf, qui n’avoit pas mesme prétention qu’elle et qui voyoit bien ce que luy cousteroit cet entestement, fit tous ses efforts pour l’en détourner ; mais la Moliere reçeut, contre son ordinaire, si mal ses avis, qu’elles se brouillèrent de maniere qu’elles ne sont pas encore aujourd’huy raccommodées.

Il arriva, dans ce mesme tems, une avanture à la Moliere qui augmenta extresmement son orgueil. Il y avoit une créature à Paris, appelée la Tourelle, qui luy ressembloit si parfaitement, qu’il estoit malaisé de ne s’y pas méprendre. Elle faisoit mesme mestier de galanterie que la Moliere, mais avec moins de bonheur : ce qui luy donna la pensée, voyant qu’elle luy ressembloit si bien, de passer pour la Moliere à ceux qui n’avoient pas grand commerce avec elle. Elle voulut essayer par là si sa fortune n’augmenteroit point. La chose luy reüssit si bien pendant