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doutables rivaux. L’amour qu’il avoit pour Baron alloit jusqu’à la profusion : il luy fit présent d’une espée dont la garde estoit d’or massif, et rien ne luy estoit cher de ce qu’il pouvoit souhaitter. Moliere, s’en estant apperçeu, fut trouver Baron jusque dans son lit, et, prenant un ton d’authorité pour empescher la suitte d’un commerce qui le desesperoit, il luy représenta que ce qui se passoit entre eux ne pourroit luy faire aucun tort, parce qu’il cachoit son amour sous le nom de bonne amitié, mais qu’il n’en estoit pas de mesme du Duc ; que cela le pourroit perdre entièrement, surtout dans l’esprit du Roy, qui avoit une horreur extresme pour toute sorte de debauche, et principalement pour celle-là ; que, pour luy, il estoit resoleu de l’abandonner, s’il ne vouloit suivre ses avis, qui ne tendoient qu’à le rendre heureux. Il accompagna ses reprimandes de quelques presens et fit promettre à Baron qu’il ne verroit plus le Duc.

Moliere se creut au comble de sa félicité par cette asseurance. Mais ce bonheur ne fut pas de longue durée, et sa femme, qui estoit née pour le faire enrager, vint troubler ses nouveles amours. Tant qu’elle avoit demeuré avec son mary, elle avoit haï Baron comme un petit etourdy qui les mettoit fort souvent mal ensemble par ses rapports ; et, comme la haine aveugle aussy bien que les autres