Page:Boudin - La Fameuse Comédienne, 1688, édition Bonnassies, 1870.djvu/44

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

liere, il fut plus libre alors de suivre ses sentimens. Il espousa la petite Bejart quelque tems après y estre arrivé ; il fit quelques pièces de theatre, et il eut le plaisir de s’entendre dire des louanges par le plus grand Roy du monde et du plus juste discernement.

La fortune de Moliere attira plus d’amants à sa femme, que ce mérite pretendeu qui l’a depuis rendeue si fiere et si hautaine. Il n’y avoit personne à la Cour, qui ne se fist une affaire d’en avoir des faveurs.

L’Abbé de Richelieu fut un des premiers qui se mit en teste d’en faire sa maistresse. Comme il estoit fort libéral et que la Demoiselle aimoit extresmement la despense, la chose fut bientost concleue. Ils convinrent qu’il luy donneroit quatre pistolles par jour, sans compter les habits et les régals, qui estoient le par-dessus. L’Abbé ne manquoit point de luy envoyer tous les matins, par un page, le gage de leur traité, et de l’aller voir toutes les après-disnées. Cela dura quelques mois sans trouble ; mais Moliere ayant fait La Princesse d'Elide, où la Moliere joue la Princesse, qui estoit le premier rolle considérable où elle eust pareu, parce que la Du Parc les jouoit tous et estoit l’Heroïne du Theatre, elle y parut avec tant d’eclat que Moliere eut tout lieu de se repentir de l’avoir exposée au milieu de cette jeunesse brillante de la Cour. Car, à peine fut-elle à Chambord,