Page:Boudin - La Fameuse Comédienne, 1688, édition Bonnassies, 1870.djvu/19

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tifie que par la force des idées préconçues. Quand même les argumens qu’il apporte eussent été plus nombreux et moins invraisemblables, comment n’a-t-il point vu qu’ils sont anéantis par les preuves morales, les plus péremptoires ? Est-ce qu’avant les découvertes de M. Eud. Soulié, qui ont éclairé d’un jour si précis la vie privée de Molière, on en devinait moins le sublime caractère du grand comique ? En vérité, M. P. Lacroix a tort de se moquer de Beffara. La Fontaine pouvait, comme tous les amis de Molière, « mépriser et haïr » la veuve de ce dernier, mais le bonhomme avait l’âme trop délicate pour faire d’une femme, de la femme de son ami, quelque blâmable qu’elle fût, l’objet d’une attaque aussi virulente. Son scepticisme sur le sexe qu’il respecta dans ses plus doux, et qu’il ne laissa point d’aimer dans ses moins chastes représentants, ne fut jamais qu’un spirituel paradoxe. Et le passage odieux sur Molière, Baron et Bellegarde, si méchamment perfide, et deux ou trois infâmes paroles à double entente que nous laissons à découvrir, le bonhomme les aurait-il écrits ? Je sais que M. Lacroix s’en tire en croyant à une interpolation. Mais un libraire hollandais se la serait-il permise dans un ouvrage de La Fontaine ? — Pense-t-il, comme Bazin, qu’on peut attribuer ces calomnies à l’émigration protestante ? Mais les protestants auraient été les derniers à salir un homme qui avait avec eux le grief commun de la persécution religieuse. Comment aussi M. Lacroix expliquerait-il le maintien du passage dans l’édition de 1690, corrigée, d’après lui, par La Fontaine ?

Quant à Racine, compromis par Jamet, la réfutation est presque aussi facile que pour Blot. En 1687, ou même en 1684 — si l’on accepte l’existence d’une édition de 1685 — Racine était mort depuis longtems pour toutes questions mondaines et surtout pour les affaires de théâtre ;