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Peut-on savoir la cause du secret que les femmes gardent si bien sur leur âge à quarante ans ; c’est que cet âge leur dit : vous n’êtes plus jeunes, et ne dit pas encore : vous êtes vieilles. À quarante ans, commence la lutte de la beauté avec le temps : d’heure en heure, ce maître règle ses comptes avec la femme de quarante ans. C’est aujourd’hui un cheveu qui change de couleur, demain c’est une mèche entière ; c’est un léger sillon qui se cache timide, sous une veine bleue, et qui se montre hardi un jour plus tard ; c’est la bouche qui se décolore, le teint qui se flétrit, la main qui n’est plus aussi blanche, la taille qui perd ses contours gracieux ; et puis, et puis… c’est tout qui s’efface peu à peu ; enfin, au jour seulement où tout est perdu, la femme se décide à se dire à elle-même : Je n’ai plus rien ; et aux autres : Je suis vieille !… Sans doute, c’est une faiblesse de craindre et de reculer l’instant de cet aveu pénible ; mais pour blâmer les femmes, vous, hommes qui les critiquez, faites-vous si peu de cas des années qu’elles n’ont pas ? êtes-vous pour elles quand elles ont quarante ans, ce qu’elles sont pour vous quand vous en avez