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Mais on doit être surpris de voir un recueil de syllabes seules, intitulé la vraie Mèthode pour enseigner à lire ! S’il en ètoit ainsi, nos Dictionnaires seroient de vraies Mèthodes, puisque véritablement ils contiennent par ordre alphabetique tous les mots de la langue, lesquels renferment toutes les syllabes possibles, tandis que ce recueil en prèsente qui ne se rencontrent en aucun mot françois : comme cta cte cti cto ctu. page 20. Sfa, gnu, tla, tli, aj oj uj. page 30.

De quel avantage peut être un pareil recueil pour les langues ètrangeres ? Car pour donner à une Mèthode l’èpithéte de vraie, il faut qu’elle soit propre à toutes les langues. De quel usage peuvent être les syllabes françôises au latin & aux autres langues où l’on prononce ordinairement comme on ècrit, & où l’on ècrit comme on prononce ; tandis qu’en françois on prononce presque partout ce qui n’est pas ècrit, & on ècrit ce qui ne se prononce pas.

Ce recueil est à la vérité un miroir des difficultés de la langue, mais il ne facilite en aucune part aux Enfans le moyen d’en trouver ni d’en former les sons. L’Auteur promet bien que lorsqu’on en saura les cinq cartons, on lira couramment en huit jours. Cette annonce est équivoque : il faut ici parler clairement & ne point gauchir ; il importe donc que l’Auteur fixe le tems qu’il faut aux Enfans pour apprendre ces cartons ! car on avance avec certitude & d’après l’expérience, qu’il y a des Enfans qui ne les apprendront jamais, & d’autres à qui plusieurs années suffiront à peine. Ce recueil est semblable au Syllabaire des Freres de la Doctrine chrétienne que l’on a jugé si peu convenable aux Enfans, qu’il n’a jamais été permis aux Freres de s’en servir dans leurs Ecoles de Paris. Ils l’enseignent néanmoins à Metz & à Nancy ; & c’est de ces deux Villes que l’on sait par expérience qu’il y a des Enfans qui n’ont pu l’apprendre, & d’autres auxquels il a fallu plus de deux ans pour en venir à bout.

Au reste l’Auteur de ce recueil n’est pas d’accord avec lui-