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Car, tandis que tes bras luttaient contre la terre,
Moi, je ne savais rien que gémir ou me taire…
À cette heure d’oubli l’amour mêlait nos corps ;
Et, malgré le vent froid qui sifflait au dehors,
Les hurlements plaintifs et les brusques alarmes,
À force de baisers, tu tarissais mes larmes.


ADAM


Mais, ô ma vie, un jour tressaillirent tes flancs ;
Et lorsque, après les mois qui coulèrent si lents,
Dieu, touché de tes maux, enfin t’eut délivrée,
Voici que tu parus comme transfigurée.
Je ne m’approchai pas sans un respect pieux
De cette chair — délice et tourment de mes yeux
Lorsque fut déchiré leur voile d’ignorance —
Mais que sanctifiait une telle souffrance !
Sans trouble je baisai tes seins, d’où ruisselait
Pour nos deux bien aimés la vie avec le lait ;
Et (qu’il m’en soit témoin, Celui qui peut m’entendre)
Mon amour plus profond ne se fit pas moins tendre.
Ah ! ne regrettons point ce que nous avons fait !
Il me semblait parfois que mon cœur étouffait ;
J’avais soif de connaître. Et, lorsque le reptile
Déroula devant toi sa parole subtile,