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Nus et ne sachant pas la honte d’être nus,
(Car le bien et le mal nous étaient inconnus)
Sans pressentir combien ces heures seraient brèves
Nous respirions les fleurs, et nous mêlions nos rêves
Comme ces beaux enfants qui dorment enlacés…
Bien que cela fût doux, ce n’était point assez.


ÈVE


Oui, dans le frais jardin nous eûmes notre enfance.
Mais, quand je transgressai la terrible défense,
Quel torrent de lumière inonda mon esprit !
Quel trouble fut en moi ! quelle rougeur couvrit
Mon visage aussitôt que je me sentis nue !
Que mon cœur palpita ! que ma chair fut émue !
Et comme je voilai mon corps de mes cheveux
Quand je sentis peser sur moi tes sombres yeux !


ADAM


L’avenir connaîtra les hontes et les crimes ;
Le mal sera puissant. Dès que nous le comprîmes,
Nous eûmes en horreur jusqu’à l’ombre du mal.
Moi, n’étant plus pareil au stupide animal
Qui n’a point de pensée en jetant sa semence,
Je fus, devant ta chair, saisi d’un trouble immense.