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ÈVE

Hélas ! quel souvenir devant mes yeux s’élève !
Je vois l’ange et le feu tournoyant de son glaive
Qui nous chasse du frais et joyeux Paradis.
C’est à cause de moi que nous fûmes maudits.
Nous voici loin de Dieu, seuls, perdus dans le monde ;
Et mon seigneur, courbé vers la terre inféconde,
Lui donne chaque jour la sueur de son front.
Mon crime, cher époux, quels sanglots l’expieront ?


ADAM


Ô femme, comme toi, je voulais la science.
Si tu m’as devancé dans ton impatience,
J’ai suivi ton exemple : après toi j’ai mordu
L’âcre et sauvage fruit de l’Arbre défendu.
Quand les portes du beau jardin nous furent closes,
Ce n’est pas sans pleurer que je quittai ces choses,
Nos palmiers s’inclinant sous leurs grappes de fruits,
L’ombrage parfumé des cèdres et les bruits
Majestueux du vent dans leurs larges ramures,
Le miel exquis des bois, la source aux frais murmures,
La nuit bleue où chantaient d’invisibles oiseaux,
Et, chaque jour, parmi les fleurs et les roseaux,