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ADAM

Assieds-toi, chère femme. Un tranquille bonheur,
Quand je te vois, s’épand jusqu’au fond de mon être.
Je veux rompre mon pain avec toi. Le seul Maître
Est Celui qui créa l’épouse pour l’époux,
Si douce qu’il n’est rien, sous le ciel, de si doux.
Dieu m’a pétri d’argile ; et toi, ma bien aimée,
C’est de ma propre chair que ses mains t’ont formée !
Voyant que j’étais seul, il tira du limon
Des animaux sans nombre ; et je donnai leur nom
Aux mille oiseaux du ciel comme aux bêtes sauvages.
Mais, toujours seul, j’errais sans fin sur les rivages
Du fleuve aux quatre bras qui semblait m’enfermer,
Et mon âme cherchait une âme pour l’aimer.
Alors un lourd sommeil pesa sur mes paupières ;
Et, comme j’étais plus inerte que les pierres,
Dieu t’arracha de moi. Lorsque je m’éveillai,
Tu souriais… Combien je fus émerveillé
De voir une divine image de ma vie !
Et je m’écriai, l’âme éperdue et ravie,
Devant l’être inconnu qui déjà m’était cher :
« Voici l’os de mes os et la chair de ma chair ! »