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ce fût, la vérité de mes assertions. Puis mon rêve n’avait pas toute la cohésion que j’aurais voulu ; je le sentais, dans certaines de ses parties, vague et contradictoire. En même temps il me devenait si facile de m’épancher en hypothèses que le dégoût me prit de ces chimères abstraites. Je pensai alors que la religion, instinctive dans l’homme et enracinée au plus profond de son être, devait, sous les formes les plus diverses, contenir au moins quelque chose de cette vérité dont j’avais soif. Je résolus d’exprimer mon adoration de l’Être inconnu en me servant des plus belles paroles qui, dans tous les temps, eussent jailli de l’âme humaine. J’admettrais les dogmes les plus différents pourvu que je ressentisse l’émotion des siècles et des races qui les avaient consacrés. Chacun des systèmes religieux, pensai-je, altère la vérité ; mais elle ne fait défaut à aucun d’eux, et tous doivent se concilier dans l’Absolu.

Nous ne saisissons que des phénomènes enchaînés par des lois qui nous semblent invariables. Mais derrière la trame de ces apparences, vraies pour nous, notre esprit est porté à croire qu’une chose existe par elle-même. La chose en soi, nous étant inaccessible, reste un pur concept que nous pourrions retourner de toute manière sans en tirer le moindre parti. Mais il n’en est pas de même si nous y rêvons dans un