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busés de leurs rêves, vaut mieux, certes, que la fiévreuse espérance dont je me suis alors enivré. Dans le singulier livre où j’accueillais toutes les chimères, l’amour de la créature prétend guider l’âme vers l’amour de Dieu. Après avoir triomphé douloureusement de la chair, il devient comme un symbole de l’autre amour, qu’il veut faire pressentir sans renoncer à lui-même ; et l’entrelacement de tous ces désirs, que je me plus à mêler d’une façon inextricable, n’est pas fait pour rendre mon livre plus clair. Malgré de si graves défauts, il fut goûté par quelques personnes plus soucieuses de la poésie que de la logique.

Dès que je fus délivré de mon œuvre, je m’efforçai d’établir mes idées plus solidement. Ma recherche d’une foi religieuse, bien que des raisons passagères l’eussent activée, était sincère et ardente ; mais, en examinant de près la plupart des métaphysiques, je sentis bien notre impuissance à étreindre une vérité qui dépasse les limites de. l’expérience humaine. Je voulais croire que Dieu, de toute éternité, a tiré les âmes de sa propre substance ; que chacune d’elles fait librement sa destinée, et, en vertu d’une loi infaillible, monte ou descend selon ses mérites les degrés de l’échelle lumineuse qui monte jusqu’à Dieu. Mais rien ne me prouvait, si faiblement que